VÉRONIQUE BOUFFARD, agr. M.Sc.
Conseillère en production laitière
Lactech inc.
La prochaine récolte de fourrage s’en vient à grands pas ! Malgré l’énervement du moment, il est important de s’assurer d’ajuster adéquatement la fourragère afin d’avoir la bonne longueur de coupe en fonction du type d’entreposage.
Lorsqu’on parle de qualité d’ensilage, on fait souvent référence au pourcentage de légumineuses par rapport à celui des graminées quand il s’agit d’ensilage d’herbe ou de pourcentage de grains pour l’ensilage de maïs. On regarde aussi les résultats obtenus en laboratoire, entre autres du côté de la protéine, de l’énergie ou de la digestibilité. Toutefois, on oublie souvent de valider si la longueur de coupe des ensilages est optimale pour assurer une bonne santé ruminale de la vache par la suite. Dans cet article, nous considérerons que l’état et l’ajustement de la barre de coupe ainsi que l’affûtage des couteaux sont adéquats et maîtrisés.
LE TAMIS PENN STATE
Le tamis (ou séparateur) Penn State est le meilleur outil pour déterminer si les ensilages sont récoltés à la bonne longueur. Qu’il s’agisse d’un tamis à trois ou à quatre plateaux, l’important est de bien interpréter le résultat en fonction du type d’ensilage et d’entreposage des fourrages disponibles sur la ferme.
Si on prend l’exemple du tamis à trois plateaux, il sera utile pour déterminer le pourcentage de fibres efficaces comparativement au pourcentage de particules fines des ensilages.
- Tamis supérieur (19 mm) : L’ensilage qui se retrouve sur ce plateau est la fibre longue. Il faut éviter qu’il y en ait un trop haut pourcentage sur ce plateau, ce qui pourrait nuire à la compaction des ensilages lors de l’entreposage. De plus, une trop grande quantité de fibre longue pourrait nuire à la qualité du mélange. Une proportion supérieure à 8% favorise le triage des particules longue de la ration totale mélangée (RTM).
- Tamis du milieu (8 mm) : C’est sur ce plateau que se retrouve la fibre efficace pour la rumination des vaches.
- Fond : C’est là que se déposent les particules fines de l’ensilage. Une fois qu’elles sont servies aux vaches, l’effet « mécanique » de ces fines particules de fourrage dans le rumen des vaches peut se comparer à celui d’un concentré. Ces particules sont plus acidifiantes et ne favorisent pas la rumination des animaux.
Il faut donc être capable de trouver le bon équilibre entre les particules longues et plus fines pour ses ensilages en vue d’optimiser la compaction et la conservation dans la structure d’entreposage tout en s’assurant de favoriser une bonne santé ruminale lorsque les ensilages seront servis aux vaches laitières.
LE SYSTÈME D’ENTREPOSAGE
Nous le savons tous : sur les fermes, il existe plusieurs systèmes d’entreposage. Dans le cas qui nous concerne, il est nécessaire d’évaluer la longueur de coupe lorsque les fourrages sont récoltés avec une fourragère traînée ou automotrice. Il faut être en mesure d’adapter la longueur de coupe au bon type d’entreposage. En présence d’un silo-tour, d’un silo-fosse, d’une meule ou d’un silo boudin (Ag-Bag), l’ajustement devra être différent lors de la récolte. De plus, il arrive que plus d’un type de système d’entreposage soit utilisé lors d’une même récolte; il est donc primordial de modifier l’ajustement de la fourragère en cours de chantier lors d’un changement de type d’entreposage.
Le meilleur exemple est peut-être celui des producteurs qui se servent d’une machine Ag-Bag pour l’ensilage de maïs pour ensuite souffler ce dernier dans le silo-tour lorsqu’il est vide durant l’hiver. À la récolte, l’ensilage qui sera conservé en silo boudin ne devra pas avoir la même longueur que celui qui sera immédiatement entreposé dans le silo tour. En effet, on sait que la double manipulation de l’ensilage qui sera conservé temporairement en silo boudin affectera la longueur de la fibre lorsque l’ensilage sera servi au troupeau. Il y a donc plus de risques que la fibre efficace qui favorise la rumination et la production de gras soit brisée.
En somme, l’objectif qui devrait être visé est un ensilage de la même longueur toute l’année lorsqu’il sera servi aux vaches dans la mangeoire.
Tableau 1. Résultats du tamis Penn State pour le même ensilage de maïs lors de la récolte avant l’entreposage dans le silo boudin et après transfert de ce dernier dans le silo-tour
LE PIÈGE DE L’ANNÉE PRÉCÉDENTE
D’une année à l’autre, il est important de valider à nouveau si la longueur de coupe de l’ensilage est adéquate. Même si la fourragère a les mêmes ajustements que l’année précédente et que l’ensilage était à ce moment de la bonne longueur, ce n’est pas un gage de réussite. En effet, l’humidité de la plante lors de la récolte, le gel, la puissance du tracteur à l’avant de la fourragère et le tonnage récolté à l’heure auront un impact sur le résultat final.
Dans l’exemple ci-dessous, on peut constater que diminuer la vitesse de récolte de 7 km/h à 6 km/h a permis d’améliorer la longueur de coupe et d’avoir moins de particules fines dans le plateau du fond du séparateur Penn State.
Tableau 2. Impact de la vitesse du tracteur lors de la récolte d’ensilage de maïs sur les résultats du séparateur Penn State et la longueur de coupe
IMPACT SUR LE TEST DE GRAS
La longueur de coupe des ensilages a assurément un impact sur le test de gras du lait produit à la ferme. Un ensilage trop long n’est pas préférable à un ensilage trop court; tout est une question d’équilibre. Une étude de Grant publiée en 2000 et citée dans l’édition de juillet-août 2009 de la revue Le producteur de lait québécois présentait les résultats ci-dessous. En augmentant la taille du hachage de l’ensilage d’herbe de 5 mm à 9 mm, le temps de rumination des vaches passait de 374 min/jr à 530 min/jr et le test de gras passait de 3,0 % à 3,8 %.
Tableau 3. Effet de la finesse de hachage de l’ensilage d’herbe sur les composants du lait et sur la rumination
Source : Grant, 2000; cité par « Le producteur de lait québécois » juillet-août 2009
Note : Ration à 45 % de concentrés et 55 % de fourrages
De plus, un ensilage trop long augmentera le risque de triage dans une RTM. À l’inverse, un ensilage trop court diminuera le temps de rumination des vaches et par conséquent leur production de gras. À titre d’exemple, on voit dans le Tableau 4 les résultats du séparateur Penn State pour un ensilage de maïs qui a été ensilé avec un mauvais ajustement de la fourragère. Ils démontrent la présence d’une trop grande quantité de fibre longue et de particules fines. Cet ensilage étant servi à la ferme dans une RTM, on imagine la très grande facilité pour les vaches de trier cette dernière; il est donc difficile de parvenir à un test de gras supérieur à 4,0 %.
Tableau 4. Résultats du tamis Penn State pour un ensilage fait avec une fourragère mal ajustée
Notons par ailleurs qu’en août prochain, il y aura un changement majeur en ce qui a trait à la méthode de paiement du lait : la production de gras sera favorisée au détriment de la production de protéine. Dans ce contexte, s’assurer que les ensilages soient de la bonne longueur pour favoriser la rumination des vaches et leur production de gras sera encore plus important.
En conclusion, prenez de temps de valider la longueur de vos ensilages. La qualité de votre récolte aura un impact sur votre troupeau durant toute l’année. Tous les conseillers Lactech sont formés et équipés d’un séparateur Penn State. Ils sont donc outillés pour vous aider à valider si votre longueur de coupe est adéquate. N’hésitez pas à les contacter; ils se feront un plaisir d’aller vous rencontrer et de valider quelle est la longueur de coupe optimale de vos ensilages pour votre entreprise en fonction de vos objectifs, de votre système d’alimentation et de votre système d’entreposage.
Bonne récolte !
« Lors de la récolte 2020 de mes ensilages, mes conseillers Lactech m’ont aidé à ajuster ma fourragère et à améliorer leur longueur de coupe. J’ai rapidement vu l’impact positif de ce changement sur la santé de mon troupeau et les performances de mes vaches. Simplement en investissant un peu de temps, le résultat au test de gras du lait de mon troupeau a augmenté de 0,2%, ce qui me permet d’avoir 5-6 vaches en lait de moins pour produire le même quota.»
– Stéphane Nault, Ferme Nauvilène