MÉLANIE LAPOINTE, T.P.
Conseillère en production porcine
Agri-Marché inc.
Dans la dernière année, les producteurs de porcs ont vu des modifications apportées sur les copies d’annexe 4 – Manifeste porcin qui doit être remis à l’abattoir lors de la livraison des porcs.
Dans ce manifeste, un encadré a été ajouté afin que le producteur y inscrive la date et l’heure du dernier accès à l’alimentation, à l’eau et au repos ainsi que la date et heure du chargement. Un des problèmes rencontrés par les abattoirs est que certains producteurs y inscrivent l’heure et la date de l’arrêt du soigneur ce qui cause des problèmes puisque l’Agence Canadienne d’Inspection des Aliments demande de nourrir les animaux après 28 heures de jeûne. Pour quelles raisons l’ACIA demande de nourrir ces animaux, alors qu’ils seront abattus dans quelques heures ?
Modification du règlement sur la santé des animaux
Il faut savoir que depuis février 2020, des modifications ont été apportées dans la réglementation fédérale sur le transport. Cette réglementation exige maintenant, lorsque des porcs entièrement aptes sont transportés, que la durée maximale pendant laquelle ces porcs sont privés de nourriture d’eau ou de repos ne dépasse pas 28 heures. Pour ce qui est des porcs fragilisés, cette période de temps est réduite à 12 heures.
Cette réglementation est aussi effective dans le cas où les porcs sont expédiés dans un abattoir plus éloigné. Les transporteurs qui font de longues distances doivent s’arrêter en route pour une période de 8 heures consécutives, après quoi ils peuvent reprendre pour un 28h supplémentaire.
Au sens de la loi, le transport inclus le chargement, le transport, et le déchargement. Donc, les 28 heures totales débutent au moment du début du chargement. C’est pour cette raison que vous devez inscrire l’heure du chargement et non seulement l’heure du départ de la ferme. C’est aussi pour cette raison que vous devez écrire la date et l’heure à laquelle les animaux n’ont plus accès à l’aliment, l’eau et repos.
(Source : Marie-Josée Turgeon, Olymel)
Rôle de l’ACIA dans cette règlementation
L’Agence canadienne d’inspection des aliments est l’organisme gouvernemental fédéral du Canada chargé de la sécurité alimentaire, mais elle intervient également dans le domaine de la santé des animaux. Présente dans nos abattoirs, c’est à elle que revient le rôle de faire respecter la loi. Depuis l’annonce de ces modifications dans la règlementation en février 2020, l’ACIA avait convenu de seulement faire de la sensibilisation sur la question des heures pour les 2 premières années. Toutefois, à compter du 22 février 2022, l’ACIA nous avise qu’ils vont procéder à l’application de la nouvelle réglementation sur les heures et ils peuvent demander des vérifications aux abattoirs pour savoir si le maximum de 28 heures à jeun des porcs a été respecté. L’heure du dernier accès aux aliments indiquée sur l’annexe 4 (Manifeste porcin) remis par le transporteur sera comparée à l’heure d’abattage afin de valider que tout est conforme.
Différence entre l’arrêt du soigneur et la mise à jeun
Afin de s’assurer de bien respecter les 28 heures de la réglementation, il est important de faire la différence entre l’arrêt du soigneur et la mise à jeun afin d’évaluer, le plus précisément possible, l’heure à inscrire sur l’annexe 4.
Le producteur profite de plusieurs avantages à faire jeûner les porcs avant leur expédition vers l’abattoir. Les porcs avec des estomacs pleins sont plus difficiles à manipuler donc, souvent plus stressés et plus essoufflés ce qui augmente les risques de blessures pour les porcs, le producteur et ses employés.
Selon nos observations dans nos élevages, le fait de vider les trémies n’affecte en rien les performances des porcs qui ne sont pas expédiés. Au contraire, le fait de vider les trémies une fois par semaine pourrait stimuler leur consommation pourvu que le jeûne de cette période se situe entre 17 et 24 heures maximum. Dans le cas d’une ferme qui alimente avec de la moulée cubée, la recommandation d’un jeûne de 12 heures avant l’abattage est suffisante.
Afin de vous aider dans la planification du nombre d’heures de jeûne nécessaire pour vos porcs, vous devez connaître l’heure du chargement prévue ainsi que l’heure d’arrivée à l’abattoir. Par la suite, en fonction de la capacité de vos trémies, du nombre de porcs par trémie et de la période de la journée, vous serez plus en mesure de déterminer l’heure d’arrêt de vos soigneurs. Par exemple, si vous donnez le dernier repas vers 17 heures la veille du chargement et qu’ensuite vous arrêtez votre soigneur, considérant que vos porcs prennent environ 6 heures pour vider une trémie, la période de jeûne commencera vers 23 h. Donc, il sera important d’inscrire 23 h sur votre Manifeste porcin (Annexe 4). Si votre chargement est prévu pour 8 h le lendemain matin et que l’heure d’arrivée à l’abattoir est à 10 h 30, votre mise à jeun sera réussie et les porcs non-expédiés n’auront pas été pénalisés puisque les soigneurs auront été redémarrés vers 9 heures, soit vers la fin du chargement des porcs.
L’importance du jeûne pour les abattoirs et pour votre paye
Une période de jeûne chez le porc à destination de l’abattoir réduit le risque que le contenu intestinal contamine la carcasse du porc lors de la transformation. Lorsque la période de jeûne est trop longue (plus de 24 heures), le risque de contamination par les salmonelles s’accroît.
(Source : Excellence du Porc canadien)
Rappelons aussi que, depuis 2021, des pénalités sont appliquées pour chaque carcasse expédiée non-conforme en lien avec la mise à jeun des porcs. Les acheteurs ont maintenant la possibilité de déduire un pourcentage du prix de la carcasse de chaque porc non-conforme. Pour ce qui est du poids de l’estomac, c’est 50% du prix de la carcasse de chaque porc qui peut être enlevé. Le poids de l’estomac du porc doit être inférieur à 1400 grammes au moment de leur abattage.
En terminant, je sais que plusieurs éléments sont maintenant à considérer lorsque vous expédiez vos porcs vers l’abattoir, mais nous devons tout mettre en place pour que le consommateur ait la certitude que le bien-être animal est respecté en tout temps.
N’hésitez pas à parler à votre conseiller, il saura vous aider dans la mise en place des nouvelles mesures sur le jeûne, et ce, tout en tenant compte de ne pas pénaliser vos performances à la ferme.
