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Le bien-être animal, UN ENJEU AU COEUR DES DÉBATS SUR L’AVENIR DE L’AGRICULTURE

by Mégan Marchand
3 min.
PORC_Melanie Lapointe-carré

MÉLANIE LAPOINTE
Conseillère en production porcine
Agri-marché inc.

Le bien-être des animaux occupe une place incontestable dans les débats publics. Depuis quelques années, des militants pour la cause animale revendiquent des conditions d’élevage plus « humaines » en dénonçant les pratiques d’élevage et en allant même jusqu’à remettre en question le régime alimentaire de la majorité de la population. La population est de plus en plus soucieuse de son alimentation et la façon dont sont produits les aliments est devenue une préoccupation croissante chez les consommateurs.

C’est en 2014, après plus de cinq ans de réflexion, que le nouveau Code de pratiques pour le soin et la manipulation des porcs a été revu et publié. Ce code devait tenir compte du bien-être des animaux, de celui des producteurs et de l’acceptabilité sociale.

Ce code de pratiques joue un rôle central dans le système visant à assurer le bien-être des animaux d’élevage au Canada, car il s’inscrit dans un processus d’amélioration continue. Par conséquent, il doit être examiné tous les cinq ans et révisé au minimum à tous les dix ans.

DES PROGRAMMES RECONNUS PAR LES MARCHÉS MONDIAUX

En 2005, le programme Bien-être animal (BEA) a été mis sur pied. Basé sur le code des pratiques existant à l’époque, ce programme avait pour but de démontrer l’engagement des producteurs dans le domaine des soins fournis aux animaux et du bien-être animal. Fondés sur des principes reconnus internationalement, le programme BEA ainsi que le programme Assurance qualité canadienne (AQC) sont devenus des exigences du marché et toutes les exploitations porcines doivent maintenant s’y conformer. Cet enjeu est cher à la filière québécoise et à ce jour, le Québec est la seule province au Canada où la certification aux programmes AQC et BEA est inscrite dans le règlement de vente des porcs.

Par ailleurs, il faut rappeler que la filière porcine exporte actuellement 70 % de sa production sur les marchés internationaux, où la réglementation et la législation sur le plan du bien-être animal peuvent grandement varier d’un État à l’autre. Par exemple, notre principal concurrent, les États-Unis, ne dispose pas des mêmes normes en matière de bien-être animal, notamment en ce qui a trait aux cages de gestation.

Le bien-être animal devient donc un enjeu de compétitivité de première importance pour la filière porcine québécoise, tant pour les éleveurs que pour leurs partenaires d’affaires.

CODE DE PRATIQUES

En 2014, l’impact majeur du nouveau code était sans contredit l’adoption d’une réglementation sur la régie des truies gestantes en groupe. Bien entendu, plusieurs autres aspects ont également été abordés dont la nourriture et l’eau, la santé animale, les pratiques d’élevage, le transport et l’euthanasie.

Sur le terrain, dès que le nouveau code a été publié, les priorités d’action concernaient l’espace alloué aux porcs et le contrôle de la douleur. Au cours des années qui ont suivi, beaucoup de travail a été fait auprès des producteurs de porcs en lien avec le programme BEA afin d’augmenter les pieds carrés par porc et de systématiser l’utilisation d’un analgésique lors de la castration, la coupe des dents et la taille de la queue des porcelets.

Par la suite, des modifications aux gestations en groupe ont commencé à voir le jour. Encore aujourd’hui, les producteurs naisseurs sont à l’œuvre pour se conformer aux normes de l’industrie, d’autant plus qu’Olymel veut s’approvisionner seulement en porcs provenant de truies gestantes en groupe d’ici 2022.

LES FONDEMENTS DU BIEN-ÊTRE ANIMAL

En 1979, le Farm Animal Welfare Council du Royaume-Uni a proposé une description du bien-être animal basée sur les cinq libertés fondamentales suivantes :

1. ABSENCE DE FAIM ET DE SOIF
Accès à un point d’eau et à un régime alimentaire adapté au maintien d’une bonne santé.
2. ABSENCE D’INCONFORT
Accès à un environnement approprié, à un abri et à une aire de repos confortable.
3. ABSENCE DE SOUFFRANCE, DE BLESSURES ET DE MALADIES
Prévention ou diagnostic et traitement dans un délai raisonnable.
4. POSSIBILITÉ D’EXPRIMER UN COMPORTEMENT NORMAL
Espace suffisant, aménagement adéquat, présence de congénères.
5. PROTECTION CONTRE LA PEUR ET LE STRESS
Conditions rassurantes et traitements adéquats pour éviter la souffrance psychologique.

Ces libertés ont par la suite été intégrées par le Canada dans différents codes de pratiques d’élevage.

Les exigences du code décrivent les résultats à atteindre. Le producteur dispose d’une certaine flexibilité pour déterminer comment il y parviendra en ayant recours à ses propres méthodes de gestion et pratiques d’élevage. Les pratiques recommandées favorisent l’amélioration constante des soins prodigués aux animaux.

Toutefois, le non-respect de ces pratiques ne signifie pas nécessairement que le producteur ne se conforme pas à des normes acceptables en matière de bien-être animal. Cela étant dit, lorsque des exigences sont comprises dans un programme d’évaluation, ceux qui omettent de les respecter sont contraints d’apporter des mesures correctives sans quoi l’industrie risque de perdre des marchés.

Le code a aussi pour objectif de clarifier les obligations stipulées par la loi sur le bien-être et la sécurité des animaux. Pour assurer la protection de ces derniers, il est primordial que les entreprises, transporteurs et abattoirs comprennent bien leurs responsabilités légales.

Il est important de souligner que les codes n’avaient pas de valeur législative ou réglementaire et n’avaient pas été rédigés à cette fin. Ils visaient avant tout la valorisation des meilleures pratiques et l’amélioration des soins apportés aux animaux. Un non-respect des codes ne pouvait pas mener à des accusations d’infraction de type réglementaire.

QUE DIT LA LOI SUR LE BIEN-ÊTRE ANIMAL ?

C’est en 2015 que le projet de loi n° 54 a vu le jour. Il visait à changer le statut juridique de l’animal, celui-ci étant alors considéré comme un bien meuble selon le Code civil du Québec. Il concernait aussi bien les animaux de compagnie que les animaux d’élevage, qui représentent deux réalités complètement différentes. Ainsi, en vertu de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal qui est issue du projet de loi no 54, l’animal est maintenant considéré comme un être doué de sensibilité. L’article 5 stipule que : « Le propriétaire ou la personne ayant la garde d’un animal doit s’assurer que le bien-être ou la sécurité de l’animal n’est pas compromis. Le bien-être ou la sécurité d’un animal est présumé compromis lorsqu’il ne reçoit pas les soins propres à ses impératifs biologiques. Ces soins comprennent notamment que l’animal :

  1.  ait accès à une quantité suffisante et de qualité convenable d’eau et de nourriture;
  2.  soit gardé dans un lieu salubre, propre, convenable, suffisamment espacé et éclairé et dont l’aménagement ou l’utilisation des installations n’est pas susceptible d’affecter son bien-être ou sa sécurité;
  3.  ait l’occasion de se mouvoir suffisamment;
  4.  obtienne la protection nécessaire contre la chaleur ou le froid excessifs, ainsi que contre les intempéries;
  5.  soit transporté convenablement dans un véhicule approprié;
  6.  reçoive les soins nécessaires lorsqu’il est blessé, malade ou souffrant;
  7.  ne soit soumis à aucun abus ou mauvais traitement pouvant affecter sa santé. »

La majorité des points énumérés dans l’article 5 étaient déjà couverts par le programme BEA et font partie des exigences du nouveau Code de pratiques pour le soin et la manipulation des porcs. Pour cette raison, Les Éleveurs de porcs du Québec croient qu’il est important que les différents paliers de gouvernement prennent en compte les spécificités propres à la production porcine, comme le comportement naturel des porcs et leurs particularités lors de la vérification de la conformité.

En vertu de l’article 68 de la Loi provinciale sur le bien-être et la sécurité de l’animal, qui commet une infraction à l’une ou l’autre des dispositions de l’article 5 « est passible d’une amende de 2 500 $ à 62 500 $, s’il s’agit d’une personne physique, et de 5 000 $ à 125 000 $, dans les autres cas », soit pour une entreprise.

Il est important de préciser que les codes des bonnes pratiques peuvent servir de références pour identifier les normes généralement reconnues, mais que celles-ci ne sont nullement obligatoires selon la loi. Par exemple, un producteur ne peut pas être accusé de ne pas respecter le code de son secteur de production si ses animaux sont en bonne santé et dans une situation où les normes généralement reconnues en matière de bien-être animal sont appliquées.

DÉCLARATION OBLIGATOIRE

Selon l’article 14 de la Loi sur le bien- être et la sécurité de l’animal, un médecin vétérinaire, un agronome, un technologue ou toute personne « qui a des motifs raisonnables de croire qu’un
animal subit ou a subi des abus ou mauvais traitements ou qu’il est ou a été en détresse doit, sans délai, communiquer au ministre ses constatations » ainsi que les renseignements sur le propriétaire ou la personne ayant la garde de l’animal lorsque ces données sont connues.

L’article précise qu’aucune poursuite en justice ne peut être intentée contre un professionnel ou des gens qui, de bonne foi, s’acquittent de leur « obligation de faire rapport ».

LE TRANSPORT

Selon l’article 10 de la Loi, il est « interdit d’embarquer ou de transporter dans un véhicule ou de permettre l’embarquement ou le transport d’un animal qui, notamment en raison d’une infirmité, d’une maladie, d’une blessure ou de la fatigue, souffrirait indûment durant le transport. »

En février 2020, de nouvelles exigences s’ajoutaient au Règlement sur la santé des animaux fédéral, notamment en matière de transport des animaux. Ces exigences visant quiconque participe à cette activité partagent la responsabilité entre le transporteur et l’éleveur. Les nouveautés législatives décrites partiellement dans le tableau ci-bas ont pour objectif de permettre à l’animal d’arriver à destination de façon sécuritaire et d’être convenablement nourri, abreuvé et reposé.

EN CONCLUSION

Depuis plusieurs années, nos producteurs de porcs font preuve d’avant-gardisme en matière de bien-être animal, ce qui leur permet d’être reconnus sur les marchés mondiaux pour le travail accompli sur leurs fermes. Nous devons rester à l’affût afin de trouver des solutions équilibrées et propositions innovantes pour que les consommateurs aient la certitude que le bien-être animal est respecté en tout temps, et ce, tout en assurant une qualité de vie aux travailleurs, producteurs et transporteurs œuvrant dans nos entreprises porcines. Il peut parfois paraître exigeant de remplir tous les documents requis, d’assister aux formations et de procéder aux modifications nécessaires pour être conformes dans nos fermes, mais nous devons garder en tête que l’impact de toutes ces avancées en matière de bien-être animal est positif dans l’opinion publique et les marchés que nous desservons.

Références
Guide d’application de la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal, Gouvernement du Québec, 2018

Code de pratiques pour le soin et la manipulation des porcs, Conseil canadien du porc et Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage, 2014

Mémoire sur le projet de loi no 54 : Loi visant l’amélioration de la situation juridique de l’animal, Les Éleveurs de porcs du Québec, 2015

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