GABRIELLE TARDIF, M.Sc., agr.
Conseillère en production porcine
Agri-Marché inc
Le 16 septembre dernier a eu lieu une conférence Pig Channel sur le cannibalisme, principalement au niveau de la queue, chez les porcs en engraissement. Cette conférence, donnée par Lauren Hansen de SMI, portait sur les causes menant au cannibalisme en engraissement, et comme c’est un problème qui peut mener à des pertes économiques importantes, nous croyons qu’il pourrait être intéressant pour vous d’avoir un petit résumé de cette conférence et des pistes de solutions pour éviter ce problème dans vos bâtisses.
Tout d’abord, le cannibalisme au niveau de la queue est généralement causé par un stress chez les porcs. Lorsque le problème apparaît dans un élevage, on peut se retrouver avec jusqu’à 30 % de porcs avec des queues mangées. Ces lésions au niveau de la queue peuvent mener à des abcès de la colonne vertébrale ou des infections, résultant en une augmentation de la mortalité, de la boiterie ou paralysie arrière ou une condamnation à l’abattoir. De plus, le bien-être animal prend de plus en plus de place ces derniers temps et ce genre de problème en élevage n’est pas très bien vu par les consommateurs. Il est généralement très difficile de mettre le doigt sur la cause exacte du cannibalisme dans l’élevage, car c’est généralement multifactoriel. Ce que l’on sait, c’est qu’il est lié à un stress vécu par les porcs, habituellement par rapport à l’environnement, l’animal lui-même ou bien l’alimentation. Voici donc quelques éléments à vérifier si vous vous trouvez avec ce problème dans votre élevage.
ENVIRONNEMENT
Plusieurs facteurs environnementaux peuvent mener à du cannibalisme chez les porcs. Premièrement, la densité animale dans les parcs est un élément important à considérer. Avoir trop de porcs par pied carré augmente l’anxiété et les agressions puisque les animaux se retrouvent en compétition pour l’accès à l’eau, la moulée et de l’espace pour se coucher.
La qualité de l’air et la luminosité sont également des facteurs importants à considérer. Avoir une ventilation minimale, surtout l’hiver, pour permettre de sortir les gaz comme l’ammoniac (NH3), le sulfure d’hydrogène (H2S) et le dioxyde de carbone (CO2) est très important, car une présence élevée de ces gaz dans l’environnement peut mener au cannibalisme chez les porcs. Pour les gaz, on recommande en bas de 20ppm de NH3, en bas de 10ppm pour le H2S et en bas de 3000ppm de CO2. De petits détecteurs de gaz sont disponibles en vente libre pour tester la présence de ces gaz dans vos élevages. L’inconfort causé par la présence de ces gaz, ainsi que des courants d’air, une mauvaise qualité de l’air, des températures trop chaudes sur de longues périodes ou de grosses variations de température ainsi qu’une humidité en bas de 50% ou plus haute que 60% sont tous des éléments qui peuvent avoir une incidence sur le cannibalisme. Pour ce qui est de la luminosité, trop de luminosité peut diminuer le temps de repos des porcs et causer un stress, c’est pourquoi les recommandations de l’excellence du porc canadien demandent minimum 6h de noirceur par jour chez les porcs.
Finalement, le dernier élément à vérifier au niveau de l’environnement concerne les tensions parasites. Une tension parasite apparait lorsqu’il y a une différence de tension électrique entre le sol et un matériel de la ferme relié électriquement à la terre (ex : poteaux métalliques, mangeoires, etc.). Les tensions parasites augmentent le stress chez les porcs, ce qui peut entraîner des problèmes de bien-être et du cannibalisme. Généralement, le cannibalisme apparaitra s’il y a d’autres facteurs ou stresseurs qui sont ajoutés aux tensions parasites présentes. Il a été déterminé qu’une différence de tension électrique de 5 volts serait techniquement correcte, mais lorsqu’on atteint le 8 volts de tension, on pourrait voir le repos des porcs affecté, ce qui crée un stress chez ceux-ci.
FACTEURS ANIMAUX
Le premier facteur à considérer chez les animaux est la longueur de la queue. Évidemment, une queue non coupée augmente le risque de caudophagie. On recommande généralement de couper la queue entre ¼ et ½ pouce, et d’éviter d’avoir de grosses variations de longueurs des queues d’un porc à l’autre.
Deux autres éléments à considérer au niveau des facteurs animaux sont l’âge des animaux et la génétique. Il semblerait qu’en pouponnière, les problèmes de caudophagie apparaissent vers la fin de la pouponnière, tandis qu’en engraissement c’est plus autour de 60-80kg, et ce surtout si les animaux manquent d’espace. Pour ce qui est de la génétique, il semblerait qu’avec la sélection génétique pour des animaux moins gras et qui grossissent plus rapidement, nous avons également augmenté la présence de traits agressifs chez les porcs. Un autre élément qui n’a pas été mentionné dans la conférence serait le sexe des animaux. Il semblerait que les mâles sont environ 1,3 fois plus sensibles que les femelles au cannibalisme.
ALIMENTATION
Comme mentionné plus tôt, c’est principalement suite à un stress que les porcs vont exprimer des comportements comme le cannibalisme. Au niveau de l’alimentation, plusieurs éléments peuvent causer un stress. Un déficit nutritionnel ou un mauvais ratio lysine/autres acides aminés, un déficit en sel, phosphore, magnésium, minéraux traces ou un niveau de fibres trop élevé sont tous des éléments qui peuvent déranger les porcs et entraîner du cannibalisme entre les animaux. Il y a également la qualité de l’eau qui est importante à considérer, et également s’assurer que les porcs ne manquent pas de moulée et qu’ils reçoivent une moulée adaptée à leurs besoins nutritionnels, d’où l’importance de suivre le programme alimentaire de votre fournisseur de moulée.
PRÉVENIR ET CONTRÔLER LE CANNIBALISME
Quelques éléments peuvent être mis en place pour permettre de prévenir et contrôler l’apparition de cannibalisme au sein des élevages. Tout d’abord, s’assurer que tous les éléments mentionnés ci-haut sont ok, c’est-à-dire valider que la densité animale et l’environnement sont adéquats, que la qualité de l’eau et de la moulée sont adéquates et que les porcs y ont accès ad libitum.
Aussi, lorsqu’il est possible d’identifier un des porcs dans le parc comme le responsable du cannibalisme, il est idéal de le sortir et de l’isoler des autres. Il est également recommandé d’isoler les porcs atteints avec la queue mangée pour éviter que leur état s’aggrave et leur donner une chance de s’en remettre.
L’ajout de jouets dans les parcs aiderait aussi grandement à limiter le cannibalisme. Par contre, il serait conseillé par Lauren Hansen d’ajouter les jouets seulement lorsque le problème commence à apparaître, pour éviter que les porcs y soient déjà habitués lorsqu’ils commencent à avoir des comportements de cannibalisme. Cette recommandation ne fait toutefois par l’unanimité, car d’autres conseillent que les porcs aient accès à de l’enrichissement dès le début du lot pour éviter que les porcs développent des comportements de caudophagie. Dans certaines de nos fermes, nous avions ajouté de gros blocs de sel dans les parcs où il y avait de la caudophagie et il semblerait que ça ait aidé grandement et diminué les comportements de cannibalisme.
Finalement, l’ajout d’oxyde de magnésium ou de sel dans la moulée, ou bien l’utilisation de produits calmant comme le Phytozen ou le Relax dans l’eau semblent bien fonctionner lorsqu’il y a un début de cannibalisme dans les élevages. Par contre, il est important de les ajouter dès qu’on commence à voir des signes de cannibalisme, car si on attend trop longtemps, les produits semblent être beaucoup moins efficaces.
Le cannibalisme reste un problème multifactoriel, c’est donc parfois difficile de trouver la cause exacte. Si jamais vous avez des problèmes de cannibalisme dans vos élevages, n’hésitez pas à en discuter avec votre conseiller, il peut vous aider à y remédier !