ALEXANDRE CLOUTIER, agr.
Directeur des ventes porcines
Agri-Marché inc.
Depuis le début de l’année, le prix du porc joue au yo-yo et bien malin celui qui peut prévoir la direction du marché. Comme il a souvent été mentionné, notre prix est basé sur ceux du marché américain; nous en utilisons deux différents. Il y a le prix de base LM_HG201, qui représente le prix du porc acheté par les abattoirs, et le LM_PK602, qui représente le « cutout » (valeur carcasse reconstituée). Ces deux prix peuvent apporter leur lot de surprises; ils sont sujets au jeu de l’offre et de la demande.
Concernant le prix du porc vivant ou acheté par les abattoirs (LM_HG201), il est en proie aux effets de la saisonnalité. D’une part, la chaleur de l’été ralentit la consommation de moulée par les porcs et donc leur croissance, ce qui fait qu’il y a moins d’offre. D’autre part, les barbecues entre voisins sont monnaie courante et la consommation des produits du porc est à son maximum. Ces deux facteurs amènent une hausse des prix l’été. Le prix est aussi sujet aux spéculations puisqu’il est présent en Bourse, ce qui en accentue les hauts et les bas. Mais voilà que la pandémie a ajouté son grain de sel. Plusieurs abattoirs américains ont dû fermer boutique, des employés ayant reçu un diagnostic positif. L’effet a été immédiat : le prix du porc vivant s’est écroulé. Beaucoup d’offre et peu de demande; il s’agit d’un jeu de levier simple.
Mais le prix a monté en flèche au Québec, me direz-vous ! Pour comprendre pourquoi, il faut regarder la nouvelle convention et l’effet de la découpe ou du «cutout ». En effet, selon la nouvelle convention, le prix payé aux producteurs québécois doit se situer dans une fenêtre de 90 % à 100 % du prix du « cutout » LM_PK602. Ce prix dit de la carcasse reconstituée représente partiellement le prix vendant de l’abattoir. Puisque qu’il n’y avait plus d’abattage, les acheteurs de pièces de viande ont eu peur de manquer de matière première pour la transformation. S’il n’y a plus de fesses de porc, il n’y a plus de jambon; c’est le même principe pour le bacon ou la saucisse. Bref, le prix du « cutout » s’est envolé, ce qui a provoqué la montée en flèche qu’on a connue… mais tout a planté à nouveau !
Pour soutenir les producteurs et consommateurs américains, le président Trump a ordonné l’ouverture des abattoirs en se basant sur une vielle loi datant de la guerre de Corée. La situation qui s’est ensuivie, c’est que plusieurs porcs se sont retrouvés en attente dans les porcheries et qu’il y avait finalement assez de pièces pour les transformateurs. La hausse saisonnière estivale n’a donc pas eu lieu. Les deux prix étaient à des niveaux historiquement bas pour la période.
Qu’en est-il pour l’automne ? Au moment d’écrire ces lignes, le prix du porc vivant n’est pas très haut en Bourse, ce qui n’est poussant un peu plus loin les observations pas encourageant. Cependant, en poussant un peu plus loin les observations et nos lectures, voici une bonne nouvelle pour le futur : le prix de la truie de réforme se situe aux alentours de 30 % de ce qu’il devrait être. Une des raisons de cela est le nombre de truies prenant le chemin de la réforme. En comparant 2020 et 2019, on remarque que 12 % plus de truies ont été réformées durant la même période. Il est utopique de penser que l’augmentation des résultats zootechniques pourra pallier le manque de mises-bas qui s’ensuivra. Nous pouvons donc espérer qu’il y ait un manque de porcs prêts pour le marché chez notre voisin du Sud. Avec une baisse de l’offre et une bonne demande pour la viande, on peut penser que le balancier du prix sera en notre faveur.