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UNE VIANDE DE QUALITÉ commence par un porc non stressé

by Josianne Bouchard
3 min.
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GABRIELLE TARDIF, M. Sc. agr. 
Conseillère en production porcine
Agri-Marché inc

Les consommateurs d’aujourd’hui se préoccupent de plus en plus du bien-être des animaux et du stress
qu’ils vivent tout en étant soucieux d’avoir des produits de qualité. Et si je vous disais que le stress vécu
par les animaux et la qualité de la viande sont liés ? En effet, le stress durant la période pré-abattage du
chargement du porc à la ferme à l’abattage peut avoir une incidence sur le produit final.

QU’EST-CE QUE LE STRESS ?

Le stress animal est défini comme une réponse biologique et comportementale de l’animal lorsqu’il perçoit un danger ou un élément stressant dans son environnement. Il s’agit d’un élément important à considérer lors de l’évaluation du bien-être d’un animal, car un état de bien-être ne peut être obtenu chez un animal en état de stress.

Lorsque le porc vit un stress, quatre systèmes biologiques de réponse différents sont activés : la réponse comportementale, la réponse du système nerveux autonome, celle du système neuroendocrinien et celle du système immunitaire.

La première réponse, qui est assez facilement observable, est la réponse comportementale alors que le porc tente de se sortir de la situation stressante; il se sauve par exemple dans la direction opposée lorsqu’il se retrouve face à l’humain.

La deuxième réponse, celle du système nerveux autonome, entraîne une vasoconstriction des artères et des muscles squelettiques, une augmentation du rythme cardiaque et un relâchement des bronches. Cette réaction prépare l’animal à combattre ou à fuir l’élément stressant et est obtenue grâce à la sécrétion par les glandes surrénales de deux hormones, l’adrénaline et la noradrénaline. L’adrénaline est aussi responsable de la néoglucogénèse, la glycogénolyse ainsi que la lipolyse, qui permettent de mobiliser le glycogène emmagasiné dans les muscles et le gras de l’animal et de fournir l’énergie nécessaire pour répondre au stress.

La troisième réponse lors d’un stress est celle du système neuroendocrinien, qui entraîne la libération d’hormones agissant sur les glandes surrénales. Celles-ci sécrètent deux glucocorticoïdes nécessaires à la gluconéogenèse, le cortisol et la corticostérone, permettant de produire du glucose grâce au gras et aux protéines emmagasinés par l’animal. Le glucose et le glycogène obtenus grâce aux diverses réactions métaboliques peuvent être transformés en ATP, qui est commence par un porc non stressé (Figure 1. La diminution du pH ultime en fonction de la concentration de glycogène dans le muscle (tiré de Lomiwes, 2008) la source d’énergie utilisée pour divers processus biologiques dont la contraction musculaire.

Enfin, la dernière réponse, soit celle du système immunitaire, survient principalement lors d’un stress prolongé et diminue l’efficacité du système immunitaire à combattre les maladies et infections.

FACTEURS DÉTERMINANTS POUR UNE VIANDE DE QUALITÉ

Les éléments à observer pour déterminer si une viande est de qualité sont principalement le pH, la couleur et la rétention en eau. Lorsqu’un animal est abattu, il se produit une acidification normale du muscle. Cette acidification influencera par la suite la couleur, la texture, la rétention en eau ainsi que la durée de vie de la viande sur les tablettes.

Avant l’abattage, le pH du muscle se trouve généralement autour de 7,0 ou 7,2. Lorsque
l’animal est abattu, il descend en 6 à 8 h jusqu’à un pH ultime de 5,3 à 5,8. Le pH ultime obtenu dépend de plusieurs facteurs, le principal étant le taux de glycogène présent dans le muscle lors de l’abattage. Lorsque l’animal est abattu, ses muscles tentent de conserver leurs fonctions cellulaires en produisant de l’ATP à partir du glycogène qu’ils ont emmagasiné. Plus le taux de glycogène est élevé, plus le pH ultime obtenu après 24 h sera bas (Figure 1).

(Figure 1. La diminution du pH ultime en fonction de la concentration de glycogène dans le muscle (tiré de Lomiwes, 2008)

QUALITÉ PROBLÉMATIQUE ET STRESS

Deux problèmes majeurs en matière de qualité peuvent être observés et sont directement liés au pH ultime de la viande. Le premier est une viande dite PSE (pale, soft, exsudative), qui sera pâle et molle et qui perdra beaucoup d’eau. Ce problème sur le plan de la qualité survient quand le métabolisme de l’animal est excessivement rapide au moment où il est abattu, conséquemment à un stress vécu peu de temps avant l’abattage par exemple. Ce stress entraîne une baisse rapide du pH de la viande 1 h après l’abattage, alors que la température de la carcasse est encore élevée. Ceci mène à une dénaturation des protéines du muscle, ce qui diminue la rétention en eau de la viande et la rend plus molle. De plus, la myoglobine, protéine responsable de la couleur de la viande, est elle aussi dénaturée, ce qui donne une couleur anormalement pâle à cette dernière. Une viande classée PSE aura un pH ultime inférieur à 5,5 et une perte en eau de plus de 5 %. Il est toutefois possible d’observer des caractéristiques de viande PSE sans que le pH ultime soit nettement plus faible.

Le deuxième problème sur le plan de la qualité est une viande dite DFD (dark, firm, dry), soit une viande sèche, dure et foncée. Ce problème survient généralement lorsque le porc vit un stress chronique ou de longue durée avant l’abattage et qu’il n’est pas en mesure de refaire ses réserves de glycogène en raison du jeûne. Ce stress à long terme contribue à diminuer la réserve de glycogène dans les muscles (à cause des réponses physiologiques liées au stress) et limite donc la disponibilité du glycogène après l’abattage pour répondre aux besoins énergétiques des fonctions cellulaires des muscles qui ont lieu après l’abattage. Ceci entraîne une fin rapide du métabolisme post-mortem et une baisse moins importante du pH de la viande.Une viande DFD aura un pH ultime de 6,0 et plus et une perte en eau inférieure à 2 %. La couleur plus foncée est liée à une dénaturation beaucoup moins importante de la myoglobine étant donné la perte en eau plus faible qui entraîne une texture dure et sèche et un pH élevé qui se trouve loin du point isoélectrique (pH où la charge nette de la protéine est nulle) qui augmente les charges négatives sur les protéines du muscle disponibles pour retenir l’eau. En résumé, un stress vécu au moment de l’abattage aura tendance à donner une viande plus pâle et molle qui perdra beaucoup d’eau, tandis qu’un stress prolongé chez le porc tendra à donner une viande dure, sèche et foncée.

Figure 2. Viande PSE à gauche, viande normale au milieu et viande DFD à droite (tiré de meatinstitute.org)

 

 

Finalement, ce ne sont pas seulement la moulée et la génétique qui sont à considérer pour obtenir une viande de bonne qualité; le stress vécu par les porcs lors de la période pré-abattage joue aussi un rôle important !

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