VALÉRIE
SAUVAGEAU ROBERT, T.P.
Conseillère en production porcine
Agri-Marché inc.
NANCY FRANCO-
GENDRON, M.Sc., agr.
Conseillère en production porcine
Agri-Marché inc.
Depuis plusieurs mois, la production porcine connaît des hauts et des bas. La fluctuation des prix, les fermetures d’abattoirs, la diminution des capacités d’abattage ainsi que la disponibilité et le prix des intrants sont tous des facteurs auxquels les producteurs doivent faire face quotidiennement. Au fil des ans, les producteurs de porcs ont démontré qu’ils étaient capables de se relever les manches et traverser les épreuves avec brio. Le secret : le coût de production, et plus précisément la conversion alimentaire.
Pour évaluer les performances d’une ferme, on sait qu’il y a plusieurs critères à considérer. Toutefois, l’un des plus payants reste la conversion alimentaire. Tous stades de l’élevage confondus, les études démontrent que les coûts reliés à l’alimentation représentent plus de 60 % du coût de production. Pour augmenter les marges de profit, la solution la plus logique est d’augmenter les performances liées aux conversions alimentaires.
L’EFFET DES TRÉMIES
Avec les coûts d’alimentation qui sont à la hausse, il est important de réduire les pertes liées au gaspillage ou à une mauvaise prise alimentaire. Lorsqu’un porc continue sa croissance, les trémies deviennent de plus en plus achalandées, laissant place à seulement un porc par trou de mangeoire. Un porc peut passer de 80 à 110 minutes par jour à s’alimenter à la trémie. Celle-ci doit donc être bien adaptée à ses besoins afin de ne pas pénaliser la prise alimentaire des autres, surtout les plus dominés.
Plusieurs études ont démontré que la densité des animaux par trémie et l’ouverture peuvent avoir une grande influence sur la performance des animaux. Une étude publiée en 2019 dans le Journal of Swine Health and Production a démontré que le gain moyen quotidien (GMQ) est influencé par le nombre de porcs par espace trémie. Cette étude faite par Laskoski et al. a démontré que le GMQ des porcelets en pouponnière avait tendance à augmenter de manière linéaire à mesure que le nombre de porcs par trémie diminuait. De plus, les porcelets ayant plus d’espace à la mangeoire avaient un meilleur départ grâce à une prise alimentaire plus rapide à l’entrée. Les porcelets ayant plus d’espace et une plus faible densité à la trémie avaient aussi moins de lésions aux oreilles et à la queue.
Une autre étude faite au Kansas a mesuré l’impact de l’ouverture des trémies sur la performance des porcs. Les chercheurs ont réglé l’ouverture de trémies sèches selon 5 niveaux, 1 étant une ouverture maximale et 5 étant la plus restreinte. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont remarqué que les porcs avec une meilleure ouverture avaient un meilleur GMQ, une consommation moyenne quotidienne plus élevée et une meilleure conversion alimentaire (Duttlinger et al., 2008).
Les résultats étaient meilleurs avec une ouverture où la moulée recouvrait un peu plus de la moitié du bas de la trémie; cette régie des trémies permet aux plus dominés du troupeau d’avoir accès rapidement à l’aliment. Aussi, il a été démontré qu’un ajustement graduel selon le poids des porcs est grandement suggéré. Bien entendu, une ouverture maximale des trémies est moins recommandée car elle entraîne plus de gaspillage de moulée.
L’EFFET DE L’EAU
L’eau est un nutriment souvent négligé à la ferme. Elle a pourtant une très grande importance pour les animaux. L’eau est une composante corporelle importante qui représente 80 % du poids vif d’un porcelet et 50 % de celui d’un animal d’âge adulte. Elle représente aussi de 75 à 80 % des tissus maigres des porcs. Alors si vous avez une génétique très performante à la ferme, elle exige beaucoup plus d’eau !
Bien qu’il y ait peu de recherches récentes sur l’impact de l’eau sur la conversion alimentaire, sa consommation influence grandement les performances et peut influencer la prise alimentaire des porcs. En effet, le Centre de développement du porc du Québec (CDPQ) a observé en 2014 qu’il semble y avoir une corrélation importante entre la consommation d’eau et la consommation de moulée chez les porcs (Figure 1). Lorsqu’un porc s’alimente en eau, il y a une forte chance qu’il aille manger ensuite et vice versa. Sur la base de cette corrélation, on pourrait soupçonner qu’avec un accès à l’eau plus restreint, la conversion alimentaire pourrait être plus élevée que la normale.
UN INVESTISSEMENT PAYANT
Il y a quelques années, une ferme faisant partie du réseau d’Agri-Marché avait une perte de performance au niveau de la conversion alimentaire et du GMQ. Les conseillers ont décidé de se pencher sur le dossier. La ferme en question avait un environnement d’élevage propice à la réussite. Il y avait une bonne ventilation, de la santé et de l’espace. Toutefois, l’espace trémie était manquant. À l’entrée des porcs, les conseillers ont remarqué que les animaux étaient en général uniformes. En vieillissant toutefois, les porcs devenaient inégaux. Les dominants prenaient le dessus sur les dominés, ce qui menait à des pertes lors du vidage de l’engraissement. Les conversions alimentaires se trouvaient presque toujours en haut de 3,00.
À la suite d’une rencontre avec les producteurs de la ferme, il a été décidé d’augmenter l’espace trémie ainsi que les points d’eau. Pour 30 porcs, les producteurs ont ajouté deux bols d’eau par parc et mis des trémies à quatre trous. Une amélioration a été notée dès le lot suivant (Tableau 1).
Du lot problématique au premier lot aux nouvelles trémies, une amélioration de 0,56 a été observée quant à la conversion poids vif. Avec les coûts d’alimentation actuels, cela représente environ 25,76 $ par porc. Un progrès de seulement 0,01 en matière de conversion alimentaire représente 0,48 $ par animal.
Tout bien considéré, la régie alimentaire en production porcine peut devenir payante. L’investissement dans un système d’alimentation mieux adapté permet de réduire significativement les coûts de production de l’entreprise. De plus, les porcs sont des animaux grégaires; il doit y avoir suffisamment de points d’eau et de trémies pour combler leurs besoins en tant que groupe. Sinon, on observera plus de comportements anormaux dans les bâtiments et on percevra des pertes sur le plan de la performance.
Certains fournisseurs d’équipements recommandent d’avoir une longueur de trémie d’un pouce par porcelet au stade de la pouponnière et de deux pouces par porc en engraissement. Le Code de pratiques pour le soin et la manipulation des porcs émet aussi des recommandations utiles en ce qui a trait à la grosseur des trous des trémies selon le stade de l’animal. Pour ce qui est des points d’eau, on recommande une suce pour 10 porcs ou un bol pour 15 porcs pour optimiser les performances. Il est important de savoir que si l’élevage se fait avec des trémies humides, il faut idéalement ajouter une source d’eau à part car les porcs aiment boire de l’eau fraîche sans traces d’aliments.
Si vous souhaitez obtenir de plus amples informations sur les améliorations possibles dans vos bâtiments, n’hésitez pas à en discuter avec vos conseillers. L’investissement peut être très payant pour vous à long terme !
Références
Duttlinger, A. W., Dritz, S. S., Tokach, M. D. et al. Effects of feeder adjustment on growth performance of growing and finishing pigs. Kansas Agricultural Experiment Station Research Reports. 2008, vol. 0, no 10, pp. 204-214.
Centre de développement du porc du Québec. Que sait-on sur la consommation d’eau de nos porcs ? Porc Québec. Avril 2014.
https://www.agrireseau.net/porc/documents/PQ%20avril%202014-consommation%20eau%20de%20nos%20porcs.pdf
Centre de développement du porc du Québec. ABC de la production porcine – Alimentation porcine. Février 2015.
http://www.cdpq.ca/cdpq.ca/files/d2/d2dc6c31-7dff-4582-b565-9ec037514187.pdf#:~:text=Plus%20sp%C3%A9cifiquement%2C%20l’alimentation%20des,
%C3%A0%20la%20source%20prot%C3%A9ique%20majeure.
Laskoski F., Faccin J., Vier C. et al. Effects of pigs per feeder hole and group size on feed intake onset, growth performance, and ear and tail lesions in nursery pigs with consistent space allowance. Journal of Swine Health and Production. 2019, vol. 27, no 1, pp. 12-18.
TechniPorc. 2001, vol. 24, n° 6.