NANCY FRANCO-GENDRON, M.Sc., agr.
Conseillère production porcine
Agri-Marché inc
Nous savons tous que l’un des objectifs des maternités est de sevrer le plus possible de porcelets par truie par année. Cette mesure détermine souvent si notre maternité est performante ou non, surtout si on se compare avec les moyennes des autres. Mais est-ce que ceci est vraiment un bon indicateur pour déterminer si ce qu’on sèvre est suffisamment de bonne qualité pour la pouponnière et l’engraissement? Monsieur Nat Stas, qui est responsable du service technique chez PIC, s’est penché sur cette question lors du Porc Show 2021 qui a eu lieu en décembre dernier.
Selon l’American Society for Quality, la qualité prend en compte l’ensemble des caractéristiques d’un service ou d’un produit pour déterminer si elle répond aux besoins donnés. Donc, si un produit est catégorisé comme étant de bonne qualité, cela signifie que le produit convient à son usage prévu. En production porcine, on pourrait dire qu’un porc est de bonne qualité car il a un bon rendement lors qu’il se rend au stade de l’abattage. Mais est-ce que cette mesure convient au besoin de tous?
Il y a quatre aspects à considérer lors qu’on veut déterminer la qualité d’un porc. Il faut regarder la qualité du porcelet sevré, le statut de santé du troupeau, l’apport en nutriments des animaux ainsi que notre gestion d’élevage telles que nos stratégies de sortie (abattage). Ces quatre aspects vont influencer le gain moyen quotidien (GMQ) de l’animal, sa conversion et votre revenu.
La qualité du porc commence à la maternité. La qualité du porcelet pourrait être divisée en 5 catégories : l’âge et le poids au sevrage, l’efficacité du poids de sevrage (âge/poids), la santé du porcelet, sa robustesse et l’homogénéité dans les bandes.
L'ÂGE ET LE POIDS AU SEVRAGE
Au Québec, la majorité des maternités ont un âge moyen au sevrage de 21 ou 28 jours. Par contre, monsieur Stas mentionne qu’il serait mieux pour les performances post-sevrage d’avoir un âge moyen de 24 jours. Cette observation vient d’études combinées de Dean Boyd (2015), Main (2004) et de résultats internes provenant de PIC (2016). Comme on peut voir dans le tableau 1, les porcelets sevrés à 24 jours d’âge ont un poids moyen plus élevé, une durée d’élevage en engraissement plus courte, un ratio alimentaire et un pourcentage de mortalité plus petits. Les porcelets sevrés à 24 jours d’âge moyen performent mieux, ce qui permet une économie de 4,68 $ par porc (du sevrage à l’abattage). Avec un coût de moulée élevé, il est idéal de pouvoir diminuer les jours d’engraissement en ayant un poids au sevrage plus haut.
On pourrait prédire que les performances seraient similaires si on compare des porcelets de 28 jours d’âge à ceux sevrés à 21 jours. Les porcelets de 28 jours d’âge ont un poids moyen supérieur et, donc, auraient une meilleure chance de mieux performer en pouponnière ainsi qu’en engraissement. Par contre, ce n’est pas tout le monde qui peut changer sa gestion pour sevrer à 24 ou 28 jours d’âge. Alors pour avoir un poids au sevrage optimal en respectant l’âge au sevrage de 21 jours, il est important de ne pas avoir de porcelets en bas de 18 jours d’âge dans la bande qui sera sevrée. De plus, il est optimal de viser un poids moyen de 4 kg au sevrage. Cela peut être atteint en ayant de bonnes pratiques de régies en mise bas (assèchement des porcelets à la naissance, prise du colostrum, petit lait, nourrice, allaitement en alternance, etc.).
L'efficacité du poids de sevrage (âge/poids)
Il est important de trouver un juste milieu entre l’âge du porcelet au sevrage et son poids moyen. L’âge du sevrage aura un impact sur le poids des porcelets. Avec un âge de sevrage plus vieux (24-28 jours), le poids moyen sera plus élevé. Par contre, cela pourrait influencer le nombre de porcelets sevrés par truie par année. Le nombre pourrait diminuer, mais le coût du porcelet serait plus élevé en raison du poids moyen plus lourd. On peut voir l’inverse avec un âge au sevrage plus jeune. Bien entendu, le poids moyen serait plus petit, mais le nombre de porcelets sevrés par truie par année augmenterait. Cependant, avec un poids plus léger, le coût du porcelet serait à la baisse et les performances de ces porcelets seront moins bonnes pour les producteurs en pouponnière et en engraissement.
C’est à chaque entreprise de développer des méthodes pour avoir un bon équilibre de l’âge au sevrage (Figure 1) qui conviendra le mieux à leur gestion. Par exemple, une maternité pourrait décider de revoir la gestion des saillies par bande ou d’utiliser du Planate sur certaines truies pour diminuer la variation d’âge au sevrage à travers les cages de mise bas. D’autres pourraient prendre la décision d’investir en augmentant le nombre de cages de mise bas pour augmenter leurs bandes ou leurs sevrages. Lorsque vous révisez votre gestion, il faut garder en tête que le but primaire est d’augmenter l’âge au sevrage et le poids moyen en maintenant le coût du porc et le nombre de porcelets sevrés par truie par année.
La santé du porcelet et sa robustesse
S’il est impossible pour une entreprise de modifier l’âge au sevrage des porcelets, il est important de revoir la santé du troupeau pour augmenter le poids des porcelets. Un troupeau de truies qui ont contracté le syndrome reproducteur et respiratoire porcin (SRRP) ne produira pas de porcelets avec un bon poids moyen au sevrage. Si le troupeau est aussi positif au mycoplasme, les performances seront encore plus perdantes à la suite d’un challenge de plus. Les porcelets sevrés classés positifs SRRP ou positifs au mycoplasme n’auront pas le même prix au sevrage qu’un porcelet de meilleure qualité, car leurs performances risquent d’être impactées de la pouponnière jusqu’à l’engraissement.
De plus, si on remarque une diarrhée au niveau des porcelets sous les mères, cela nuira aussi à leurs poids et performances. Il est important d’investiguer le problème avec votre vétérinaire afin de trouver une solution pour améliorer l’état de la santé du troupeau. Votre vétérinaire pourrait vos suggérer un protocole d’éradication ou bien un protocole de vaccination sur les truies ou les porcelets dépendamment du problème que vous voulez régler ensemble.
La robustesse du porcelet prend en compte son habileté à s’adapter facilement dans son environnement et sa capacité à se rendre au poids d’abattage. La robustesse va être influencée par la santé du porcelet, mais il y a aussi un aspect génétique et même de gestion à considérer. Par exemple, un porc qui a dû être euthanasié en pouponnière ou en engraissement à la suite de l’apparition de hernie ombilicale ou même à la suite d’un problème de boiterie n’est pas très robuste. Il est important de vérifier d’où le problème est survenu. Est-ce que c’était un problème lié à l’environnement et la gestion de la pouponnière ou de l’engraissement ou est-ce que le problème vient à la base de la maternité? C’est là que votre conseiller peut vous venir en aide pour déterminer pourquoi votre porcelet n’est pas très robuste. Il pourrait suivre ou même recueillir l’information de la pouponnière et de l’engraissement pour mieux analyser les aspects qui font en sorte qu’un porc ne s’est pas rendu au point de l’abattage. Si le problème est au niveau des hernies ombilicales, scrotales ou même des problèmes de patte, votre conseiller pourrait revoir certaines pratiques avec vous. Selon le problème détecté, il pourrait voir s’il y a beaucoup de porcelets qui se tètent entre eux, car l’âge au sevrage est trop petit, ou bien revoir s’il y a un problème au niveau de la manipulation effectuée sur les porcelets. Si le problème persiste, votre conseiller pourrait regarder avec votre compagnie de génétique. Avec une meilleure compréhension des problèmes qui émergent en pouponnière ou bien en engraissement, vous allez pouvoir mieux ajuster votre gestion en maternité pour augmenter, à la longue, la robustesse de vos porcelets au sevrage ainsi que leur qualité.
L'homogénéité dans les bandes
Pour assurer une bonne qualité de porcelets au travers des bandes, il faut respecter l’intégrité des mises bas. En d’autres mots, on veut que le groupe de porcelets qui va être sevré reste homogène. Pour ce faire, il est important de ne pas mélanger les porcelets entre chambres de mise bas. Cela évite de propager certaines maladies dans d’autres chambres. Il est aussi fortement déconseillé de sevrer des porcelets trop petits ou trop jeunes. De plus, il ne faut pas faire d’interbandes en gardant les porcelets trop petits ou jeunes en les plaçant dans la prochaine bande. Cela risque encore une fois de propager certaines maladies entre vos bandes et peut nuire à la performance des porcelets en pouponnière et en engraissement.
Pour conclure la présentation de monsieur Stas, il y a plusieurs aspects qui influencent la qualité du porcelet sevré. En analysant notre gestion et environnement, en plus d’augmenter la communication avec les producteurs en pouponnière et engraissement, il est possible de travailler conjointement pour augmenter l’ensemble de la qualité des porcs dans la production porcine.