GABRIELLE TARDIF, agr.
Conseillère en production porcine
Agri-Marché inc.
Bien que l’ammoniac soit un gaz naturellement produit lors de la fermentation du lisier et normalement retrouvé à différentes concentrations dans les bâtiments d’élevage porcin, il n’en demeure pas moins qu’il peut s’avérer problématique pour la santé des producteurs et des employés de ferme.
Le lisier de porc, essentiellement constitué de fèces et d’urine, produit divers gaz lors de sa fermentation anaérobique (sans oxygène). L’un des principaux gaz pouvant se retrouver dans l’air lors de cette fermentation est l’ammoniac. Il résulte de la transformation de l’urée présente dans l’urine en ammoniac et dioxyde de carbone grâce à l’enzyme uréase se trouvant dans les fèces. L’ammoniac est relâché dans le bâtiment de deux façons : lors de l’entreposage du lisier dans les dalots et lorsque l’urine entre en contact avec une surface souillée (ex. : lattes, plancher plein, murs, etc.). Les dalots produisent de l’ammoniac en permanence puisqu’on y retrouve constamment du lisier frais. L’urine en contact avec une surface souillée par des fèces peut quant à elle émettre de l’ammoniac jusqu’à 10 heures suivant son excrétion.
CONCENTRATION D’AMMONIAC ET PROBLÈMES DE SANTÉ
L’humain est en mesure de détecter la présence d’ammoniac lorsque celui-ci atteint une concentration dans l’air de 17 ppm (parties par million). À cette concentration, il ne cause pas de problèmes pour la santé. Une concentration de 25 ppm est la limite tolérable; on ne voit pas d’effets sur la santé lorsque le producteur ou les employés y sont exposés 8 heures par jour, 5 jours par semaine. Une concentration à 35 ppm ne cause pas d’effets irréversibles sur la santé pour autant que l’exposition ne dure pas plus de 15 minutes au maximum 4 fois par jour. Finalement, à partir de 70 ppm, l’exposition à l’ammoniac peut devenir intolérable sur de longues périodes.
Les problèmes de santé résultant d’une exposition à de hauts taux d’ammoniac sont principalement liés à une irritation des voies respiratoires pouvant mener à de la toux, une sensation de brûlure au niveau des voies respiratoires, une laryngite ou de l’œdème pulmonaire. D’autres problèmes dont une sensation de brûlure aux yeux et des larmoiements peuvent subvenir. Ces symptômes liés à l’exposition à l’ammoniac peuvent se développer selon la concentration d’ammoniac à laquelle la personne est exposée et la sensibilité à l’ammoniac de cette dernière. Les personnes ayant déjà des problèmes respiratoires dont les asthmatiques et celles qui sont sensibles à d’autres particules irritantes de l’environnement comme la poussière sont plus susceptibles d’être affectées par les hautes concentrations d’ammoniac. En règle générale, c’est à partir d’environ 50 ppm que l’ammoniac peut devenir irritant pour les yeux, le nez et la gorge chez les personnes plus sensibles.
LIMITER LA CONCENTRATION D’AMMONIAC DANS L’AIR
Comme l’émanation d’ammoniac dans la ferme provient du lisier dans les dalots et sur les surfaces, on peut contrôler sa concentration en diminuant la présence de lisier dans le bâtiment. Avoir des planchers lattés et vider les dalots régulièrement pourraient aider à diminuer la concentration d’ammoniac dans l’air. Pour ce qui est des planchers partiellement lattés, il est important de garder la section pleine propre en limitant les courants d’air et les variations de température à cet endroit.
En règle générale, c’est à partir d’environ 50 ppm que l’ammoniac peut devenir irritant pour les yeux, le nez et la gorge chez les personnes plus sensibles.
Une autre méthode pour limiter la concentration d’ammoniac dans l’air est une bonne ventilation. Il faut s’assurer d’avoir une vitesse de ventilation minimale qui permet un changement d’air et un apport d’air frais partout dans la pièce. De plus, on doit ralentir la vitesse à laquelle l’air tombe sur le sol couvert de lisier, puisque la concentration d’ammoniac relâchée s’intensifie lorsque la vitesse de l’air augmente. Ceci est surtout important en hiver : il faut que l’air se
déplace au plafond en premier pour ensuite descendre au sol. Ainsi, la vitesse de l’air sera moins rapide et en plus, l’air aura eu le temps de se réchauffer avant de tomber sur les porcs. En été, puisqu’il fait chaud, le changement d’air dans la bâtisse est plus facile à réaliser et la concentration d’ammoniac dans l’air est généralement plus facile à diminuer.
QU’EN EST-IL DE LA SANTÉ DES PORCS ?
L’ammoniac réduit l’activité mucociliaire, qui permet le nettoyage du système respiratoire de l’animal. Cela rend les porcs plus susceptibles de développer des maladies respiratoires puisque le mécanisme de protection de leur système respiratoire est affaibli et les particules transportant des pathogènes ont plus de facilité à se rendre à leurs poumons. À des concentrations de 25 ppm et plus, on peut voir des irritations nasales chez le porc exposé pendant au moins 6 jours. Pour les animaux, viser une concentration en bas de 25 ppm est l’idéal puisqu’ils sont exposés au gaz en tout temps.