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SÉCHERESSE ET INCERTITUDE ÉCONOMIQUE un cocktail parfait pour maintenir le prix des grains

by Josianne Bouchard
3 min.
GENERAL_Auteur_Kathleen Gauvin-Audet_nb

KATHLEEN GAUVIN-AUDET, agr.
Analyste grains et commodités
Agri-Marché Inc.

Bien que les ensemencements québécois soient allés bon train le printemps dernier, le pire était à craindre pour les producteurs : le phénomène météo ! L’été a été très sec tant au Canada qu’aux États-Unis. Les conditions des cultures se sont peu à peu dégradées au courant de l’été, ce qui a évidemment contribué à maintenir les prix à la hausse à la Bourse de Chicago. Par ailleurs, un autre facteur qui aura soutenu la hausse des prix est l’incertitude économique liée à la COVID-19, qui frappe toujours à l’heure actuelle.

CULTURES AU CANADA

Drôle d’été qu’aura été l’été québécois de 2021 : des mois de mai et juin très chauds avec des conditions parfaites pour les ensemencements, mais un mois de juillet avec des températures moyennes sous les normales (un record de plus de 50 ans). Aussi, nous n’avons reçu que très peu de pluie, avec des précipitations sous la moyenne habituelle qui laissaient présager du temps sec pour les cultures. Malgré cela, la récolte de céréales d’automne a été excellente dans la plupart des régions du Québec. Les rendements fracassaient les records, entre autres dans le seigle d’automne; certains producteurs affirment avoir récolté en moyenne entre 2,5 et 2,7 tm/acre de cette céréale.

Mais on ne peut pas en dire autant des provinces de l’Ouest canadien, qui cette année pourraient connaître l’une des pires sécheresses que le pays ait connues. Les récoltes de céréales de printemps ont été fortement affectées par le manque d’eau, qui a réduit les rendements aux champs. Sachant que le Canada est l’un des cinq plus importants producteurs mondiaux de blé, il est clair que cela affectera les prix de ce grain pour l’année de commercialisation
2020-2021.

D’ailleurs, cette sécheresse qu’ont connue les provinces de l’Ouest pourrait avoir un impact direct sur le prix des aliments sur nos tablettes ici, au Québec. Des rendements en grains réduits de plus de la moitié et une quasi-absence de fourrages; avec quoi les éleveurs nourriront-ils leurs bêtes durant l’année ? La rareté vient évidement augmenter le prix des intrants pour les éleveurs, et par le fait même augmenter le prix des viandes que nous consommons. Dans le même ordre d’idées, un rendement moindre en blé fera augmenter le prix des produits finis tels que la farine ou le pain.

Au moment d’écrire ces lignes, la récolte de blé a débuté depuis une semaine dans nos centres de grains. Les constats varient selon les régions. On peut déjà remarquer que dans Chaudière-Appalaches, on observe un problème de toxines, et ce, surtout chez les producteurs qui n’auraient pas arrosé aux fongicides durant l’été. Certains voyages pouvaient tester jusqu’à 9,5 ppm en matière de vomitoxines, un chiffre qui fait peur ! Cependant, puisque les récoltes ne font que
commencer, il est difficile pour l’instant d’établir des moyennes représentatives. Ce sera à suivre dans la prochaine édition de l’Agri-Nouvelles…

CULTURES AUX ÉTATS-UNIS

Un scénario un peu semblable à celui du Canada se répète. L’ouest de la Corn Belt (ceinture de maïs) a connu une grosse sécheresse qui a affecté les conditions des cultures.

En ce qui a trait au maïs et au soya, les conditions des cultures sont inférieures à la moyenne sur 5 ans. Du côté du blé, les conditions ont été catastrophiques durant tout l’été. Au début d’août, c’est seulement 11 % du blé qui était de condition bonne à excellente, ce qui représente un pourcentage historiquement faible.

Des stocks mondiaux réduits jumelés à l’anticipation d’une forte baisse de rendement des gros pays exportateurs
(notamment les États-Unis et le Canada) font sans hésitation monter les prix du blé. Justement, une des principales observations qui sont ressorties de la tournée annuelle des cultures aux États-Unis est liée aux dommages causés par la sécheresse. Prenons l’exemple de l’État américain qui est le plus important producteur de blé au pays, le Dakota du Nord : on y estimait un rendement de 0,80 tm/acre pour 2021 comparativement à 1,24 tm/acre en 2019, ce qui représente une baisse considérable (2020 n’a pas été comptabilisée en raison de la COVID).

Source : Banque Nationale, article du 28 juillet 2021.

Source : Stone X

Ce graphique illustre bien quels sont les plus gros exportateurs mondiaux de blé. On y retrouve le bassin de la mer Noire (Black Sea, qui regroupe la Russie, l’Ukraine, le Kazakhstan, la Roumanie et la Bulgarie), les États-Unis, l’Europe, l’Australie, le Canada et l’Argentine.
En somme, sécheresse en Amérique du Nord, beaucoup de précipitations en Europe et mauvaises récoltes pour les pays de la mer Noire; rien pour aider à augmenter les stocks mondiaux de blé de printemps !

RAPPORT DU USDA D’AOÛT

Le 12 août dernier, le United States Department of Agriculture (USDA) publiait un rapport sur la révision des rendements
américains. Ce rapport a poussé une fois de plus les prix à la hausse. Pourquoi ?

Maïs
– Rendement révisé à 174,6 bu/acre comparativement à une estimation de 176 bu/acre; c’était en deçà des moyennes, mais pas encore catastrophique. On observait un léger changement dans la demande et les stocks de fin étaient en baisse. De ce fait, le ratio d’utilisation (stocks de fin / demande totale) est resté très faible.

Soya
– Rendement révisé à 50 bu/acre, ce qui était très proche de la dernière estimation que le USDA avait faite. Les stocks de fin étaient également pratiquement inchangés. Le ratio d’utilisation était très faible, voire même en situation de pénurie pour se rendre à la nouvelle récolte.

Blé
– Les stocks mondiaux ont considérablement baissé. On observait une forte réduction des rendements qui a engendré la hausse de prix mentionnée précédemment.

GRANDES CULTURES

Au moment d’écrire ces lignes, le nouveau variant de la COVID-19, le variant Delta, commence à inquiéter. Alors qu’on se croyait enfin sortis d’affaire, les mesures sanitaires commencent à se resserrer de nouveau, et pas seulement au Québec. L’IPC battait un record de près d’une décennie avec une augmentation de 3,7 % en juillet comparativement aux 3,4 % attendus.

L’IPC, c’est quoi ? C’est l’indice des prix à la consommation. Cet indice mesure le niveau moyen des prix des biens et services; il représente la variation des prix que les consommateurs canadiens paient pour les biens et services. Il mesure par le fait même l’inflation. Les économistes mentionnent que l’inflation devrait se maintenir à moyen terme en raison des programmes de soutien de revenu, qui créent manifestement une pénurie de main-d’oeuvre sur les marchés et par conséquent une hausse des salaires.

Dans le même ordre d’idées, puisque l’économie reste incertaine, la demande en pétrole
est elle aussi incertaine. Le prix du baril affichait des baisses subséquentes de juillet à
août et le taux de change a suivi la même lignée.

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