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RÉCOLTER L’ENSILAGE DE MAÏS au bon moment

by Élizabeth Graveline
10 min.
vincent-chifflot

VINCENT CHIFFLOT, M. Sc.
Agronome
Bayer Crop Science

La régie de la production d’ensilage comporte de nombreuses décisions qui sont pour beaucoup
influencées par les conditions de croissance durant la saison. Entre les semis au printemps et le choix des hybrides pour la prochaine saison, les producteurs doivent considérer tous les aspects  de la production, notamment la fertilisation, le désherbage, le moment optimal de la récolte et l’entreposage. À cela s’ajoute le choix de la hauteur de coupe et de la longueur des particules. L’objectif est d’atteindre la quantité et la qualité désirées, mais aussi d’assurer une bonne conservation des fourrages. Parmi ces différents facteurs, la date de récolte joue pour beaucoup sur la valeur alimentaire de l’ensilage de maïs.

UNE QUESTION DE « TIMING »…

L’effet de la maturité du maïs sur la dynamique dans le temps des différents indicateurs de qualité est maintenant bien documenté. Par exemple, la recherche a démontré que la teneur en amidon augmente de l’ordre de 0,5 à 1,0 % par jour entre le stade laiteux et le stade de la maturité physiologique du grain (point noir), tandis que les sucres solubles diminuent par translocation vers le grain. La digestibilité de l’amidon a tendance à diminuer entre le stade début denté et le point noir. La digestibilité de la fibre NDF atteint un pic entre le stade demi-ligne de lait et trois quarts de ligne de lait du grain pour redescendre par la suite. Le rendement en matière sèche atteint aussi un niveau optimal entre ces deux stades. La protéine brute diminue de façon quasi linéaire entre les stades début denté et point noir. C’est d’ailleurs un bon indicateur de la maturité du maïs : plus le niveau de protéine est élevé, plus le plant est immature.

Le taux de matière sèche de la plante entière à la récolte est un facteur déterminant pour obtenir une bonne valeur alimentaire mais aussi pour assurer une bonne fermentation de l’ensilage de maïs en lien avec le type de structure d’entreposage présent sur la ferme. Notez que ce taux de matière sèche augmente de 0,5 à 1,0 % par jour vers la fin de l’été dépendamment de la température et des précipitations.

Le choix de la date de récolte découle donc d’un compromis entre les différents indicateurs de qualité qui évoluent dans le temps et du taux de matière sèche optimal pour la structure d’entreposage. Il faut récolter le maïs ensilage quand on atteint un équilibre entre la maturité et la teneur en eau de la tige (partie verte du plant) et la maturité et la teneur en eau du grain (partie jaune du plant) (figures 1 et 2).

Rappelons que les sucres solubles sont importants car ils constituent la matière brute que les bactéries de fermentation convertiront en agents de conservation, réduisant le pH de la matière végétale pour empêcher le développement d’organismes indésirables. L’eau est aussi nécessaire parce qu’elle favorise le contact entre les sucres de la plante et les bactéries et qu’elle distribue les acides de fermentation dans la masse d’ensilage.

Figure 1

Un épi autour du stade 50 % laiteux avec des spathes brunies présente un bon équilibre entre la maturité et la teneur en eau des grains.

Récolter trop tôt peut conduire à des pertes élevées par écoulement des jus, des pertes énergétiques dues au manque de remplissage des grains et une mauvaise conservation (risque de fermentation clostridiale indésirable). Récolter trop tard peut provoquer une mauvaise conservation liée à des difficultés de tassement, une diminution de l’appétence et une trop forte teneur en amidon avec risque d’acidose.

Il existe des techniques de traitement mécanique qui augmentent la digestibilité de la fibre et de l’amidon à la récolte. Les rouleaux craqueurs, par exemple, éclatent les grains et permettent ainsi d’augmenter la digestibilité de l’amidon alors que le taux de matière sèche est élevé juste avant l’apparition du point noir.

Figure 

Des tiges de maïs présentant quatre feuilles brunies au niveau du sol sont souvent un bon indice que les plants ont atteint un équilibre entre la maturité et le taux d’humidité.

ANTICIPER LA DATE DE RÉCOLTE EN FONCTION DU CALENDRIER DE CROISSANCE DU MAÏS

Pour anticiper la date approximative pour ensiler, on peut s’aider du calendrier de croissance du maïs. La date de sortie des croix dépend essentiellement de la température accumulée depuis le semis et des besoins en chaleur spécifiques à chaque hybride de maïs (UTM et degrés-jours de croissance). Ensuite, une fois que les croix sont sorties et que la pollinisation est complétée, la maturation du maïs jusqu’au point noir (maturité physiologique) nécessite entre 50 et 60 jours. Cette durée est relativement constante d’un hybride à l’autre, elle est peu compressible et elle dépend en grande partie de l’ensoleillement.

Il s’écoule de 35 à 45 jours entre la pollinisation et le stade demi-ligne de lait. Si la pollinisation a lieu aussi tôt que le 1er août, on doit donc s’attendre à atteindre la demi-ligne de lait entre le 5 et le 15 septembre. Ajoutez environ une bonne semaine pour atteindre le stade trois quarts de ligne de lait et deux semaines environ pour atteindre le point noir (on veut en général ensiler avant l’atteinte du point noir). Prenez garde à ne pas confondre la date de sortie des croix du maïs et la pollinisation. En effet, les croix apparaissent environ 10 jours avant le début de la pollinisation. Ce qui est important ce n’est pas l’apparition des croix mais bien la pollinisation, synonyme de fécondation du grain par le pollen et donc de début du remplissage du grain par l’amidon.

PEUT-ON SE FIER À LA LIGNE DE LAIT ?

Il existe plusieurs indicateurs visuels permettant d’estimer l’état d’avancement du maïs, dont la ligne de lait. Cette dernière est la ligne qui sépare l’amidon dur de l’amidon laiteux pendant la maturation du grain de maïs (Figure 3). Elle est facile à reconnaître et offre un bon indicateur de la maturité du maïs. En principe, le taux de matière sèche de la plante entière est de 25 à 30 % au stade début denté du grain pour augmenter à 35 % au stade demi-ligne de lait et à 40 % au point noir. Cependant, ne vous fiez pas qu’à la ligne de lait pour évaluer l’humidité de la plante entière. En effet, la corrélation entre le taux d’humidité de cette dernière et le stade de maturité du grain n’est pas toujours fiable et dépend beaucoup de l’hybride. Une étude menée au Wisconsin en 1998 a démontré que 82 % des hybrides présentaient une très faible relation entre l’humidité de la plante entière et le stade du grain. Les caractéristiques de verdeur tardive propres à chaque hybride peuvent aussi influencer le rythme de séchage des tiges. Il est donc fortement recommandé de mesurer le taux d’humidité réel de la plante entière avant la récolte au lieu de se baser uniquement sur le stade du grain. Pour cela, on peut s’équiper d’un humidimètre à fourrage de type Koster ou utiliser un four à micro-ondes.

Figure 3

Coupe transversale d’un épi de maïs montrant la ligne de lait des grains

TAUX DE MATIÈRE SÈCHE RECOMMANDÉ À LA RÉCOLTE

Le taux de matière sèche que l’on doit viser pour une conservation optimale de l’ensilage de maïs dépend du système d’entreposage. Le taux de matière sèche optimal devrait se situer entre 40 et 60 % pour les silos hermétiques, entre 30 et 45 % pour les silos verticaux (douve de béton), entre 30 et 40 % pour les silos horizontaux avec murs (bunkers) et entre 40 et 60 % pour les grosses balles enrobées. Pour les silos verticaux, la grosseur du silo (diamètre et hauteur) influence la matière sèche à viser pour éviter les écoulements. Plus le silo est gros, plus le pourcentage de matière sèche doit être élevé.

L’IMPORTANCE D’UN BON SUIVI AU CHAMP

Le suivi de la maturation du maïs ensilage vers la fin de l’été est primordial pour prendre la bonne décision concernant la date de récolte. Il existe des indicateurs visuels comme la progression de la ligne de lait, qui en donnent une idée mais qui se sont révélés relativement imprécis. La seule et unique technique fiable est la mesure de l’humidité de la plante entière. Si le maïs n’a pas atteint le taux de matière sèche désiré lors de cette mesure et considérant une augmentation de l’ordre de 0,5 à 1,0 % par jour, on peut aisément calculer la date de récolte optimale. Par exemple, passer de 30 à 35 % de matière sèche pourrait nécessiter une dizaine de jours. Par contre, un gel mortel pourrait jouer les trouble-fête et rapidement modifier les plans. Si un tel gel intervenait alors que le maïs n’en était qu’à 30 % de matière sèche, le plant pourrait se dessécher hâtivement et la récolte devrait être faite rapidement.

Figure 4

Champ de maïs ensilage frappé par le gel

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