JÉRÔME BLOUIN, agr.
Conseiller aux ventes végétales
Agri-Marché inc.
Les mycotoxines sont des métabolites secondaires naturellement produits par les mycètes, plus précisément par les moisissures. Les toxines sont naturellement produites par tous les types de moisissures et de champignons. Il est intéressant de mentionner qu’un champignon peut produire plusieurs toxines différentes. De plus, une même toxine peut être libérée par deux moisissures différentes.
Au Québec, Fusarium est le genre de champignon le plus fréquemment responsable de la production de désoxynivalénol (DON ou vomitoxine). La présence de cette mycotoxine dans l’alimentation des bovins laitiers pourrait avoir plusieurs effets sur la production comme une diminution de l’appétit et de la production laitière, la présence de diarrhée ou une immunosuppression dont l’importance reste à déterminer. Le DON fait partie d’un grand groupe de toxines, les trichothécènes de type B, qui sont produites particulièrement par des moisissures du genre Fusarium.
On a identifié près de 170 autres mycotoxines dans le groupe des trichothécènes, comportant toutes un système annulaire commun tétracyclique (sesquiterpénoïdes 12,13 époxytrichothéc-9-ène). En raison de ce cycle époxyde, ces molécules sont toxiques. Les mycotoxines les plus courantes de cette catégorie sont le nivalénol (NIV), le désoxynivalénol et certaines de ses formes dérivées dont le déépoxydéoxynivalénol (DOM-1). Le DON est une mycotoxine qui résiste à la fois à la cuisson et au processus de brassage. Un effet important des trichothécènes est l’immunosuppression entraînant une susceptibilité accrue des vaches aux maladies, incluant la mammite et la hausse du nombre de cellules somatiques dans le lait.
La production de toxines dépend principalement des conditions environnementales. La croissance des moisissures ou champignons est généralement favorisée par la chaleur et l’humidité. Ces conditions environnementales peuvent se concrétiser de différentes manières. Tout d’abord, un silo non étanche (ouverture, perforation ou mauvaise compaction) peut induire des conditions d’aérobie et ainsi favoriser le développement de moisissures. Ensuite, les spores des mycètes sont dispersées dans les champs. Un manque de rotations, la pratique de la monoculture ou un travail du sol minimal sont toutes des pratiques agricoles pouvant aggraver la présence de contaminants dans la culture. Finalement, de mauvaises conditions météo, une récolte humide ainsi qu’un mauvais séchage du grain avant l’entreposage favorisent la survie des champignons et le risque d’apparition de mycotoxines. Toutefois, la production de toxines est influencée par d’autres facteurs; il peut par exemple s’agir d’un stress induit par une sécheresse.
La contamination de la nourriture par des mycotoxines ne semble pas avoir d’impact significatif sur la prise alimentaire des vaches laitières. Cependant, il faut garder en tête que les bactéries du rumen constituent pour le ruminant sa plus grande source de protéines. Si celles-ci sont affectées par la présence de toxines, alors on constatera des répercussions sur l’apport protéique et énergétique chez l’animal, puis possiblement sur son état de chair.
Les fixateurs de toxines sont des produits pouvant être ajoutés aux aliments contaminés de manière à réduire l’absorption intestinale des toxines. Ils agissent en liant et transformant les produits en d’autres qui sont moins toxiques. Il existe plusieurs types de fixateurs de toxines.
La première catégorie de fixateurs de toxines est composée d’agents liants qui peuvent être à base d’argile, d’aluminosilicates, de charbon activé ou de glucides complexes. L’affinité du pouvoir liant de ces substances peut différer selon la mycotoxine présente. Ces produits ont une efficacité prouvée essentiellement sur les toxines polaires.
La deuxième catégorie comprend les produits à base de parois de levures (glucomannanes), dont l’efficacité est démontrée particulièrement pour la zéaralénone. Le dernier type de fixateurs de toxines est constitué d’une combinaison d’enzymes et de bactéries permettant de transformer les mycotoxines en composés moins toxiques. Elles stimulent la flore ruminale dans le but de favoriser la détoxification des mycotoxines. Par exemple, la souche de bactéries Eubacterium permet de réduire la toxicité de certaines trichothécènes dont le désoxynivalénol.
La contamination des aliments par les mycotoxines constitue un problème réel pour l’industrie laitière et ne devrait pas être négligée lors de l’analyse des performances de la ferme. Toutefois, l’importance relative de ce problème pour la production et la santé animale ne fait pas l’objet d’un consensus. En effet, la toxicité des aliments repose sur l’interaction entre plusieurs facteurs; il est donc difficile de quantifier l’importance des effets néfastes liés à la présence de mycotoxines. Chez les ruminants, la population microbienne du rumen pourrait aider à détoxifier les mycotoxines. L’amplitude de ce procédé dépend de l’activité du rumen, le rendant complexe à évaluer.
La meilleure solution à adopter impliquerait donc une approche préventive plutôt que curative. Des fongicides peuvent par exemple être utilisés lors de la période de culture si cette dernière est destinée à l’alimentation du troupeau. Des additifs de conservation des fourrages peuvent également limiter le développement de moisissures.