HUBERT MARTEL, agr.
Conseiller ventes végétales
Agri-Marché inc
L’implantation des prairies est un des principaux défis rencontrés sur les entreprises agricoles. Voici quelques éléments-clés à considérer pour mettre toutes les chances de son côté lors de l’établissement et qui auront un impact sur la rentabilité de la production fourragère.
CHOISIR NOS MÉLANGES
Quoi qu’on en dise, les mélanges fourragers sont à la base de la réussite des implantations. Il est important de choisir les bonnes associations de plantes. Certaines sont plus compétitives que d’autres à l’implantation, c’est le cas du dactyle, des trèfles rouge et ladino, de la luzerne, du raygrass et du festulolium.
Alors que le mil et la fétuque sont des graminées qui ne s’implantent normalement ni trop rapidement ni trop lentement, elles ont l’avantage d’être intégrées à tous types de mélanges à prairies. D’autres espèces tolèrent difficilement la compétition à l’établissement, on parle entre autres du brome et de l’alpiste roseau, qu’on évite de semer avec le dactyle et le trèfle rouge, par exemple. Du côté des légumineuses, le lotier mérite assurément notre attention dans certains contextes, mais son implantation avec d’autres légumineuses n’est pas recommandée. Il est donc mieux de l’implanter avec des espèces lentes à l’établissement comme le brome et l’alpiste, sinon le mil et la fétuque. Cela dit, l’idée est de faire des mélanges avec des plantes ayant des vitesses d’implantation semblables afin d’éviter la trop forte compétition.
DONNER SA CHANCE AUX GRAMINÉES D'ÉTÉ
On le constate de plus en plus, l’implantation du mil en printemps sec devient délicate, les rendements fourragers plafonnent depuis quelques années et les volumes sont souvent décevants en 2e coupe. Pourtant, l’intégration des graminées d’été comme le dactyle et la fétuque tarde à se faire dans les prairies. Plusieurs ont été déçus ou rebutés par la qualité des fourrages ainsi que les triages occasionnés par ces plantes nouvellement incorporées à la ration. Il est vrai que ces graminées ont le défaut de perdre de la qualité avec l’épiaison, mais leur avantage en ce qui a trait au volume produit est indéniable et, lorsque la régie de coupe est maîtrisée, la qualité est également au rendez-vous. Il est donc primordial que les producteurs qui font la transition vers la fétuque et le dactyle soient accompagnés et adaptent les pratiques de coupe en fonction de ces nouvelles venues. La fétuque élevée peut être boudée par les vaches en raison de sa faible sapidité. Les variétés à feuilles souples disponibles sur le marché améliorent toutefois ce paramètre, mais il reste préférable de la soigner en ensilage ou de l’intégrer à la RTM.
La fétuque et le dactyle sont non remontants, ce qui veut dire qu’une fois fauchées en première coupe, ces plantes ne referont pas d’épis pour le reste de la saison. La vigilance en première coupe est recommandée et c’est le stade de ces graminées qui nous indique si la prairie est prête à être fauchée. Il est bon de se rappeler que ces plantes se prêtent moins bien aux régies 2 coupes.
LE SEMIS DES DIFFÉRENTES PLANTES
Beaucoup tentent d’intégrer le brome à leur mélange avec un succès mitigé. Comme il a été dit plus tôt, le brome est plus lent à s’implanter. D’ailleurs, sa semence est beaucoup plus grosse que les plantes fourragères utilisées normalement, à l’instar de la fétuque et du festulolium. C’est pourquoi il est important de discuter des stratégies de semis de ces graminées à « grosses graines ». L’incorporation de ces graminées dans la boîte à céréales ne donne que rarement de bons résultats, d’abord parce que les semences en mélange avec les céréales comme l’avoine vont avoir tendance à se séparer les unes des autres, ce qui nuit à l’uniformité du semis. Ensuite, la semence de graminées fourragères va être enfouie, dans le sillon de la céréale, beaucoup trop profondément pour permettre sa levée. Le semis des graminées fourragères doit être fait à une profondeur maximale de 3/8 pouce.
Les bonnes stratégies pour implanter le dactyle, le brome et la fétuque
La fétuque et le dactyle peuvent être implantés en mélange avec la luzerne et le mil à partir de la boîte à millage du semoir à céréales. C’est une option intéressante qui évite de repasser avec un autre équipement ou l’achat d’une boîte à brome, mais il faut rester vigilant sur le pourcentage du mélange, qui ne devrait pas dépasser 15 %.
L’implantation peut également être réalisée à la volée avant ou après le semis principal. Un semoir de type APV peut aussi être utilisé pendant le semis s’il est monté sur le semoir à céréales. Dans tous les cas, il faudra s’assurer qu’un passage de herse étrille et/ou de rouleau soit réalisé, dépendamment du travail de sol effectué, afin d’incorporer légèrement les semences fourragères dans le sol et de taper la surface pour assurer le contact. Le semoir à Brillion reste une des meilleures options pour le semis des plantes fourragères en raison de l’incorporation des semences à la bonne profondeur avec le Brillion.
Avant d’investir dans un nouveau semoir, et si on est décidé à faire intervenir de nouvelles espèces dans le mélange à prairies, la boîte à brome peut être un investissement intéressant qui donne d’excellents résultats pour les semis de fétuque, de raygrass, de festulolium et de brome.
Avant toute chose, il est primordial de vérifier à quel endroit les tuyaux écoulent la semence de fourragère puisque, pour une levée optimale, la semence doit être déposée à environ ¼ de pouce de profondeur. Il faut donc éviter que nos tuyaux coulent trop près ou directement dans le sillon de la céréale. Dans les conditions sèches, le passage du rouleau s’avère nécessaire afin d’assurer un bon contact sol-semence et ralentir la perte d’humidité du sol.
On peut également évaluer les coûts d’un repassage ou d’une implantation moins bien réussie et préférer réaliser le semis des fourragères ou des graminées à « grosses graines » à forfait avec un semoir à semis direct. C’est forcément une stratégie payante pour l’entreprise lorsque l’établissement des fourragères représente une difficulté. Le semis direct peut également être avantageux lorsqu’on parle de resemis de trèfle rouge ou de dactyle dans un couvert existant.
La danse de la pluie ou changer la date de semis?
L’avantage avec les fourragères, c’est qu’on a une très grande fenêtre pour réaliser nos semis. En réalité, cette fenêtre peut s’étendre du mois de mai jusqu’à la mi-août en fonction des secteurs. Il est donc avantageux de s’abstenir le plus possible de semer ses fourragères par temps sec puisque les résultats attendus ne seront pas au rendez-vous. Lorsqu’on planifie de semer, il convient de vérifier les indices d’assèchement dans notre région et de valider la présence de périodes de pluie dans les semaines suivant l’implantation. Si les conditions ne sont pas au rendez-vous, le semis gagne possiblement à être reporté et il faudra adapter sa stratégie fourragère en conséquence. D’ailleurs, lorsque le mil fait partie de notre mélange, l’indice d’assèchement ne devrait pas dépasser le stade « modéré » pour les jours qui suivent le semis. Il est possible de consulter les informations en lien avec les indices d’assèchement et les degrés jours pour les stades de fauche sur le site agrometeo.org, sous l’onglet plantes fourragères.
Tout cela considéré, la saison de culture s’amorce bientôt et vaut mieux mettre sa réussite entre les mains de techniques avantageuses que d’espérer que la pluie se pointe le bout du nez. De toute évidence, les plantes fourragères posent un défi à relever, il convient donc de mettre de l’avant des stratégies culturales adaptées au contexte environnemental changeant. Les conseillers en grandes cultures sont là pour vous outiller et faire les suivis nécessaires dans vos champs.
Osez demander conseil et bien vous entourer pour votre succès.
Bon début de saison à tous!